L’HERMAPHRODITE
Klarthe, 2020
L'Hermaphrodite
Ce disque Schumann est l’aboutissement d’une démarche artistique globale, plurielle, imaginant différents axes de lecture à travers notamment le symbole de l’hermaphrodite, figure mythologique masculine et féminine, à la fois brisée et unifiée.
Elle fait naturellement écho à la poésie du « double »schumannien, le « doppelgänger » : Eusébius et Florestan.
Ici, deux cycles se répondent : Les Kreisleriana et les Chants de l’aube, auxquels s’ajoute la pièce Widmung (initialement un lied de Schumann transcrit par Liszt), pensée comme une clef de voûte.
Modeler Eusébius le tendre, le lumineux, le poétique m’a semblé moins immédiat qu’emprunter les chemins sombres de Florestan, lequel apparaissait en premier, de manière immédiate.
Il s’agit de ce Schumann, décrit par Roland Barthes dans son texte Rasch extrait de L’obvie et l’obtus :
Mais, en cheminant, si l’on comprend l’affolement des coups comme étant le négatif de la tendresse, alors on peut « traverser » – trouver Eusébius – et même accéder au Liebeslied ou Widmung, le chant d’amour. Là, RaRo parle : il est le troisième personnage inventé par Schumann, (contraction de son prénom et de celui de son épouse Clara) sa meilleure part, celle dans laquelle il se laisse pétrir par l’amour.
Les deux cycles qui s’inscrivent de part et d’autre de la vie de Schumann se répondent : les Kreisleriana sont une oeuvre de jeunesse inspirée par la littérature d’E.T.A. Hoffmann mais aussi une déclaration d’amour à Clara ; et les Chants de l’aube se présentent comme son chant du cygne, oeuvre écrite avant qu’il ne se jette dans le Rhin.
Selon les mots de Brigitte François-Sappey issus de son ouvrage de référence, Schumann :
Revenons à la figure de l’hermaphrodite : il représente le couple d’opposés confondus. Et ce personnage « fêlé » mais Un, est mis en relief par le Kintsugi, art japonais consistant à réparer les faïences et les céramiques brisées à la laque d’or. C’est ce « fil d’or » qui apparaît dans le film réalisé par Gaultier Durhin et les photos d’Anne-Lou Buzot.
Le Kintsugi « dit » que l’objet cassé peut être sublimé, les brisures n’ont pas à être cachées. Cet art philosophique a nourri ma reconstruction après un accident survenu en 2017 : renversée par une voiture, j’ai notamment eu une clavicule brisée.
La nécessité vitale de parler, de chanter, de raconter cette fêlure à travers la musique de Schumann s’est imposée très rapidement après cet événement.
Crédits :
Anne-Lou Buzot pour toutes les photos du projet L’Hermaphrodite.
Myriam Greff pour la création du bol kintsugi.
Or Katz pour la peinture de l’effet kintsugi sur la peau et la touche de piano.